Odile Lorin, une jeune française, a visité la bidonville de "Santa María" et "27 de Marzo". Ella a vécu deux semaines parmi les habitants du bidonville. Voici sa lettre:
Pérou...
tout a débuté en décembre 2007... Anne, ma marraine, quand je demande des nouvelles de mon filleul Hernaldo, me dit qu'il ne va pas très bien. Sa grand-mère le déscolarise régulièrement pour l'envoyer fouiller les poubelles, afin de faire un peu d'argent...
Les photos que j'ai de lui me montrent un enfant triste...
Je m'étais promis de retourner au Pérou, y étant allée 6 ans auparavant. Le temps semblait arrivé.
Et puis l'inconsciente, impulsive que je suis, réalise soudain qu'elle va se trouver face à un enfant qu'elle ne connait pas, dont elle connait très mal la langue, et les doutes arrivent...
Mais c'est lancé, j'en ai parlé et je sens que je ne peux plus faire machine arrière...
Le voyage se prépare alors peu à peu...
Et le jour J arrive... quelques heures d'avion, cet avion qui apparait effrayant à bien des personnes rencontrées dans le bidonville et qui m'ont souvent demandé si ça ne me faisait pas peur...
Quelques jours avec mes cousins d'abord...
Puis, avec Manuel, chauffeur de taxi, ami fidèle de Fernando et précieux aide pour l'association, nous partons un après-midi...
Une heure de taxi... C'est le luxe, quand on sait qu'un bus doublerait au minimum ce temps !... Et puis la jovialité de cet homme, ses blagues qui font rire tout le monde sauf moi (langage oblige !) aident à aisément passer le temps...
Je découvre alors quelques-unes des réalisations de l'association...
Les nouvelles maternelles peintes, ce qui rend les lieux plus agréables, les escaliers qui, entre autre, me serviront à monter voir Giovanna, que je rencontre pour la première fois ce jour...
Lors de visites à d'autres familles, d'autres endroits du bidonville, je sentirai bien la différence entre avoir ou non l'aide de ces escaliers...
Très souvent, les habitations (pour beaucoup, j'ai du mal à les appeler «maisons») sont construites sur un petit bout de terrain nivelé à flanc de colline, et y aller signifie grimper en s'aidant parfois des pierres pour ne pas glisser.
Je me suis toujours demandé comment faisaient les personnes âgées, les mères avec de jeunes enfants... Elles le font, c'est tout. Elles paraissent seulement beaucoup plus âgées, beaucoup plus vite...
Mais ceci n'est qu'un détail, en comparaison d'un problème qui semble poser beaucoup plus de difficultés quotidiennes, à savoir le manque d'eau courante...
De nombreuses familles ont l'eau courante, dans leur maison. Pas un robinet d'eau chaude et un d'eau froide, et pas de l'eau que l'on peut se permettre de boire directement sans risque, mais de l'eau néanmoins, qui arrive toute seule.
Mais beaucoup d'habitations n'en sont pas dotées. Le raccordement, ainsi que la dépense mensuelle, représentent souvent une somme trop importante à investir d'un coup. Les familles achètent alors des bidons d'eau, qu'il faut bien sûr monter en haut de ces pentes, et qui vont servir pour tout usage, tant culinaire que lavages... Au final, cela s'avère plus cher, mais la dépense étant plus morcelée, elle est plus abordable pour les plus petits revenus.
La cantine soutenue par l'association fonctionne elle-même avec ce système de bidon. Heureusement, une habitation pourvue en eau courante, à proximité, autorise un raccordement pour remplir les bidons, quand nécessaire...
Un long tuyau d'arrosage est alors déroulé et étiré sur une centaine de mètres...
La cantine m'a semblé un lieu de vie important . Elle m'a permis de croiser plusieurs enfants parrainés, ainsi que des mères de familles.
Celles-ci se relaient chaque jour, deux par deux, pour aller au marché acheter les denrées nécessaires et mettent au point un repas, en fonction de ce qui a pu être acheté. Cela prend toute la matinée, entre les courses, la préparation, puis le service et la vaisselle. J'ai toujours été épatée de les voir préparer de telles quantités (entre 20 et 80 repas par jour) avec si peu de moyens... Un gros couteau auquel manque le manche, une petite rape à l'ancienne... Mais le résultat était toujours bon, assurément !
J'émets par contre un bémol en ce qui concerne l'équilibre... Les repas sont toujours constitués de pommes de terre, avec des pâtes, du riz, mais les légumes se font très rares, et la viande encore plus... Question de prix, mais aussi d'habitude alimentaire...
A l'heure du service, chacun vient avec sa gamelle, sa bassine et mange sur place ou emporte chez lui. Souvent, une infusion d'anis, ou mélange d'herbes, était aussi préparée, pour accompagner le repas. C'est aussi une coutume et permet de boire sainement puisque l'eau a alors bouilli.
De nombreuses mamans, des enfants, m'ont demandé si je connaissais tel ou telle, parrains ou marraines des familles. Certains d'entre vous m'ont été nommés, mais, bien sûr, ne connaissant personne , je ne pouvais les renseigner.
L'échange de courrier est donc très important. Pour nous, bien sûr, parce qu'il nous permet de connaître un peu la famille, les enfants que nous aidons, mais aussi pour ces familles, à qui cela donne plus de réalité, de matérialité affective.
J'ai longtemps eu peur, au départ du parrainage, d'envoyer des cartes de mes différents déplacements géographiques, de parler de ma vie. Peur de choquer par une vie pouvant apparaître pleine d'opulence...
Mais j'ai compris, grâce aux familles qui m'ont montré les cartes, les photos reçues, et qui s'en montraient si heureuses, que cela aussi était un soutien.
Cela représente également pour eux une ouverture sur ailleurs.
J'ai ainsi été très surprise de constater que beaucoup de ces enfants (voire des mamans) situent à peine leur pays dans le monde. La France, dont ils connaissent, grâce à l'association, parfaitement le nom, est par conséquent, difficilement située aussi... Ce n'est bien souvent qu'un mot.
Ainsi, on m'a parfois demandé comment j'étais venue, si c'était en voiture...
Parler de la France, en raconter les habitudes de vie, la situer, et inciter à un échange de même nature sur le Pérou et sa culture peut servir de fond à la correspondance, pas toujours facile quand on n'a pa rencontré l'autre. Cela poussera peut-être, de plus, les enfants à rechercher des informations sur leur propre pays, ce qui les enrichira.
Nous pouvons nous réjouir de la création de cette association et de ses résultats. Plusieurs familles m'ont dit que cela avait changé leur vie, celle de leurs enfants. Ainsi Lisbeth, fille de Giovanna, qui peut faire des études d'aide soignante, ce qui serait impossible sans le soutien de l'association. Elle m'a confié avoir dormi sur un banc, quand elle était enfant, et à présent elle se réjouit d'avoir son lit, offert par Amitié France-Pérou.
Jean Ziegler a dit “Tout enfant qui meurt de faim dans le monde d'aujourd'hui a été assassiné”.
Au Pérou, les gens ne meurent pas de faim. Mais ils souffrent de carences alimentaires, par défaut d'informations sanitaires et nutritionnelles suffisantes, et parce que les denrées sont, comme partout dans le monde, de plus en plus chères. Les parrainages permettent donc aux enfants qui en bénéficient de manger au moins une fois par jour relativement correctement, et les projets plus globaux de l'association, tels que celui lié à l'amélioration du local de la cantine, permettent à tous d'en bénéficier.
Il y aurait encore beaucoup à dire, à partager sur les rencontres faites cet été, si enrichissantes pour moi, mais je dirais que le meilleur conseil que j'aie à vous donner, c'est d'aller vous-même à leur rencontre. Ce sont de tels moments de bonheur partagé que s'asseoir avec eux pour boire “un mate” ou jouer avec les enfants.
En ce qui concerne Hernaldo, très timide au départ, n'osant pas me regarder, me parler, il s'est peu à peu ouvert et les gens qui le cotoient m'ont dit ne pas le reconnaître. Il a pris de l'assurance, et il la garde, apparemment, depuis.
Rien que pour cela, ça valait le coup... de tête et de coeur.